Arrivé la veille à Santiago, c’est dans les bureaux d’un immeuble flambant neuf que nous avons rendez-vous avec Fernando Nilo, le fondateur de la première entreprise latine de traitement de déchets électroniques. En cravate verte, comme son entreprise, cet ancien comptable nous explique qu’il s’était toujours promis de devenir un entrepreneur social avant ses 40 ans. Après avoir repris les études et affiné son business plan, il créé en 2003 Recycla Chile.
Il est parti des deux constats suivants : la croissance exponentielle de l’accès aux produits électroniques couplée au raccourcissement de leurs cycles de vie ne fait qu’accélérer la propagation de substances toxiques. Par ailleurs les chances qu’ont nombre de prisonniers à leur sortie de prison, dans le pays, de retrouver un emploi sont minces.
Aujourd’hui 95% des chiliens possèdent un téléphone portable. Avec une durée de vie moyenne inférieure à deux ans, leur taux de remplacement est particulièrement important et sont source de nombreux déchets: seulement 2 % des déchets mondiaux sont électroniques mais ils représentent 70 % des substances toxiques ! En Amérique du sud, ils étaient jusqu’à présent stockés dans des décharges inadaptées ou acheminés dans des pays en voie de développement pour y être détachés dans des conditions dangereuses.
Sensible à ces enjeux écologiques et aux difficultés de réinsertion des personnes incarcérées, Fernando a décidé de transformer ces problèmes en opportunité sociale et économique. Il a donc mis en place un système qui offre à des détenus l’opportunité de se réintégrer dans la société, tout en traitant les déchets à haute toxicité:
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Trois années après sa création l’entreprise est entièrement autonome et génère des profits. Ses sources de revenu sont doubles. Dans un premier temps les entreprise fortement consommatrices de produits électroniques font appel à Recycla pour se défaire de leur matériel usagé. Cette activité représente 70% des recettes totales.
La seconde source de rémunération est la valorisation des déchets. Après avoir été collecté et stocké, le matériel subit un test de “réutilisabilité”. Si ce dernier est positif les appareils sont réparés puis vendus. Le cas contraire, les produits irrécupérables sont triés par nature et désossés. Chaque composant est regroupé par famille (cuivre, verre, aluminium) pour être finalement mis en vente sur le marché, activité de plus en plus lucrative grâce à la flambée des cours des matières premières. Les résidus nuisibles sont quant à eux confiés à des centres de traitement dont Fernando exige, afin d’éviter tout risque inhérent à ces déchets, qu’ils soient certifiés ISO 14000.
En 2008 c’est près de 1000 tonnes de déchets électroniques qui ont été revalorisées par Recycla, en employant 10 personnes exclues du secteur professionnel sur un total de 33 salariés. Parmi ses nombreuses récompenses[1], elle a été la première entreprise sud-américaine à être reconnue au Forum Mondial de l’Economie, en 2009, comme faisant partie des entreprises les plus innovantes.
Fernando souhaite désormais étendre son activité aux particuliers et a entreprit une campagne de sensibilisation à l’échelle du pays. Travaillant en parallèle avec le Ministère de l’Environnement chilien, il aspire à renforcer le cadre législatif du pays. Plus qu’une activité de retraitement, l’entreprise s’efforce donc de changer les mentalités. L’enjeu est de taille et les difficultés sont nombreuses. Pourtant si vous lui demandez comment il les surmonte il vous répondra simplement qu’un entrepreneur ne doit jamais se contenter d’un « non » comme réponse.
[1]
National Environmental Innovation Award 2004, Prochile, November 2004
Finalist in the Social Entrepreneur Award, 2005 and 2006, Schwab Foundation – El Mercurio, November 2005 and 2006
CSR Award, Prohumana Foundation 2006, April 2006
Entrepreneur of the Year Award, 2007, CORFO, May 2007
Chile Design 2007 Award – Category: Social Responsibility, Chilean Association of Design Studios, October 2007
Global Social Entrepreneur 2008, Schwab Foundation, January 2008. Zurich
Technology pionner 2009, World Economic Forum, January 2009. Davos