Arrivés à Lima mi-juillet nous apprenons que nous ne pourrons malheureusement pas nous entretenir avec Juan Carlos Aguilar, le fondateur de Inventar Peru, un contre temps l’ayant obligé à prolonger son séjour aux Etats-Unis. Cette initiative d’entrepreneuriat social nous tenant particulièrement à cœur, nous l’avons interviewé via internet. A notre plus grand regret cet article ne sera donc pas illustré de photographies.
Avant de décrire plus en détail les objectifs de l’association et son fonctionnement, il est important de cerner le contexte qui a incité monsieur Aguilar à créer cette organisation.
Le Pérou, comme de nombreux pays en voie de développement, ne bénéficie pas de structures encadrant et incitant la population à matérialiser leurs idées en inventions. Ces pays sont donc souvent dépendant des inventions et innovations en provenance des pays riches. Les nouvelles technologies ne sont pas toujours accessibles aux populations ou doivent être payées au prix fort. Les personnes à mobilité réduite comptent parmi les premières victimes de ces écarts technologiques. Plus de trois millions de péruviens souffrent d’isolement et de forte dépendance car leurs handicaps physiques n’ont pas été pris en compte dans la construction de l’habitat et l’aménagement urbain. Ces personnes vivant reclues rentrent dans un cercle vicieux: l’isolement engendre la pauvreté qui à son tour risque d’aggraver leurs handicaps (malnutrition, exclusion des soins médicaux..).
Juan Carlos Aguliar pense que des innovations même mineures peuvent améliorer les conditions de vie de ces personnes. Il existe au Pérou un potentiel inventif latent mais le pays ne bénéficie pas de structures encadrant et incitant la population à le développer et le concrétiser. De plus, les inventeurs n’ont pas de compétences techniques de fabrication de prototypes et de commercialisation, seulement 3% des créations aboutissent à une mise en vente. Il a donc créé une association palliant à ce manque, Inventar Peru, qui promeut et accompagne les péruviens à matérialiser leurs idées.
En favorisant la culture de l’inventivité elle veut permettre aux populations pauvres de répondre de manière autonome aux écarts technologiques dont elles sont victimes mais également contribuer à l’amélioration du développement économique et social du pays. Les inventions créent des emplois et sont sources d’avantages compétitifs. Elle compte parmi ses inventions un ascenseur, un fauteuil mécanique s’installant dans les escaliers, une table de culture adaptée aux personnes à mobilité réduite. Tous les produits qu’elle développe sont bon marché et à faibles coûts d’entretien, elles sont donc adaptées aux bourses modestes. Inciter et encadrer la pensée créative est une tâche ambitieuse et complexe, l’association a donc développé deux programmes pour mener à bien son action:
Le premier, baptisé programme « d’éveil de l’inventivité » des enfants, en partenariat avec le ministère de l’éducation du Pérou, vise à stimuler la créativité des jeunes à travers le jeu. Par des ateliers ludiques, le but est d’aider les enfants à faire le lien entre ce qu’ils apprennent en cours et le monde réel, et développer leurs idées créatrices. 5 écoles de Lima et 2500 élèves bénéficient de ces activités.
Le second champ d’action d’Inventar Peru est l’accompagnement des inventeurs dans leurs démarches, le conseil et la création d’un réseau péruvien. L’association joue un rôle d’incubateur de nouvelles technologies, elle aide les inventeurs à développer leurs produits innovateurs.
La conception de ces produits innovants a permis de changer le quotidien de nombreux péruviens. Inventar a mis en place un système améliorant la distribution d’eau dans trois communautés rurales de Lima ; plus de 4200 habitants en bénéficient. 500 personnes à mobilité réduite ont quand à elles adoptées des aides techniques mécanisées conçues par l’organisation.
Juan Carlos ne se contente pas de favoriser le développement de nouvelles inventions, il instaure un nouveau paradigme dans lequel les péruviens s’affranchissent des technologies onéreuses des pays riches en essayant de répondre de manière autonome à leurs besoins grâce à leur propre inventivité.